La smart city, l'âne et la charrette.

#smart city , #mobilité , #sketchnote , #facilitation graphique

Sketchnote : "Les charettes n'ont plus leur place à Casablanca, promue smart city", par Aurélie Colas, Le Monde du 19 Octobre.

Un cas intéressant de modification du tissu urbain et de l’usage de la mobilité : le futur arrêté municipal d’interdiction des charrettes à Casablanca.

À Casa, la charrette ajoute aux ralentissements de la circulation en ville, alors même que cette dernière est déjà en prise avec des embouteillages dus aux nombreux chantiers en cours.

Certains acteurs de la ville comme les « koutchis » (conducteurs de charrettes), ont été mis de côté lors de la réflexion pour une transformation de la ville en « Smart City ». Désormais, ils sont devenus indésirables.

Cela pose le problème de la place laissée aux coutumes locales, aux transports alternatifs, oubliés lors de la réflexion menée à l’occasion de la transformation d’une ville. Là où la mobilité basée sur les énergies fossiles, électriques, et la vitesse est bienvenue, celle qui utilise l’animal comme moyen de locomotion doit disparaître : trop lente, encombrante, d’apparence souvent misérable. Cela pose la question de la place de la justice sociale dans les infrastructures de la ville intelligente.

Il n’y a donc plus de place pour une mobilité à deux vitesses dans la ville moderne ? Souvenons-nous de la place accordée au vélo ces dernières décennies et du fait que les villes développent aujourd’hui en France un réseau de pistes cyclables : un grand écart entre hier et aujourd’hui. N’oublions pas que ces charrettes sont une économie parallèle qui trouve son utilité dans toutes sortes de services liés à la mobilité : transport de personnes, recyclage des matériaux, tri des déchets, transport de denrées et de matériaux de construction, etc.

Car au Maroc, ce mode de transport bon marché est le moyen de survie d’une partie de la population. Non seulement pour les « koutchis », mais aussi pour les usagers, ceux qui, en situation de « précarité mobilité » n’ont pas d’autres moyens de se déplacer car ils ne possèdent pas de voiture ou n’ont pas de réseau de transports en commun près de chez eux. La mobilité est la manière de rester connecté à l’emploi ou la santé ; or ses infrastructures ne couvrent pas tout le territoire et demeurent l’apanage des centres urbains, ou ne sont pas compatibles avec l’état des routes des pays en développement.

A Paris, on connaît déjà la garde républicaine et, depuis quelques années, la gendarmerie à cheval, sortie du bois de Vincennes jusque dans les rues de la cité, ou même la police équestre que l’on a vu récemment charger les manifestants.

En province, d’autres n’hésitent pas à seller leurs chevaux pour aller travailler. L’animal, non plus seulement animal domestique, mais qui rend des services à l’homme, a été oublié dans nos cités depuis des décennies (sauf peut-être les calèches dans les villes touristiques) et refait timidement son apparition en ville, à l’instar des chèvres ou des moutons qui reprennent du service pour entretenir les abords du RER parisien comme en province certaines petites prairies urbaines. Placer l’animal au centre de la cité et voir ce qu’il peut y apporter. Déplacer notre regard vers l’animal, après avoir banni de la ville la nature de manière croissante depuis l’après-guerre et alors que se multiplient aujourd’hui les projets de re-végétalisation des espaces urbains. Après la végétalisation, l’animal comme prochain défi de nos centres urbains ? Déjà, certaines villes reçoivent le label « ville amie des animaux » à l’instar du label « villes et villages fleuris ».

Aujourd’hui, entre flambée des prix de l’essence, pénurie et grève des transports, les charrettes à traction animale restent une alternative pour se déplacer à bas coût dans un périmètre limité, pour ceux qui ne peuvent ou ne savent pas faire du vélo ou de la trottinette. Cela reste un véhicule silencieux, non polluant, utilisable en covoiturage, qui produit en plus un excellent fertilisant pour les sols. Un bon moyen pour décarboner la mobilité urbaine ?

Ce mode de transport peut aussi être une solution en cas d’inflation. En Afrique, de nombreux pays ont vu leurs prix augmenter, or inflation signifie pauvreté. « Si l’inflation persiste, investissez dans une vache. Non seulement elle ne perdra pas de sa valeur, contrairement à l’argent de votre compte courant, mais elle peut aussi offrir des rendements intéressants en se reproduisant… » cite Julien Bouissou dans le Monde du 19/10/2022 à propos d’un article sur la compagnie d’assurance Nhaka Life Assurance au Zimbabwe (tiré de l’hebdomadaire The Economist).

Alors, investir dans un âne, la vraie bonne idée ?


Sources :

« La voiture, le gouffre financier des français » reporterre.net

« Les charrettes n’ont plus leur place à Casablanca, promue Smart City ». Par Aurélie Colas, Le Monde Afrique. Le Monde 19/10/2022:

« L’inflation, la vache et les taux d’intérêt américains », par Julien Bouissou. Le Monde 19/10/2022: